Demerci Mehmet Efe
Quand on pense aux personnages s’étant illustrés dans la Turquie après première guerre mondiale, le nom de Demerci Mehmet Efe revient souvent. Il est difficile de passer à côté de son nom surtout quand on s’intéresse à l’histoire militaire ottomane ou turque. Encore plus quand on évoque nos fameux Mausers turcs ou ottomans et de leur utilisation dans les nombreux conflits qui ont opposé les Grecs aux Turcs. Voici le parcours étonnant d’un bandit repenti et reconverti dans la lutte contre l’envahisseur dans un période d’instabilité politique, misère sociale et de conflit armé.
Du banditisme de grand chemin à la cause nationale.
Né en 1883 à Aydın, petite ville du sud-ouest de la Turquie, non loin de la mer égée. Fils de forgeron, dont il gardera le surnom en turc de “dermerci”, Mehmet Efe effectua son service militaire pendant la première guerre mondiale au sein du 5 eme régiment d’arsenal d’Izmir en tant que forgeron.
Après avoir été déshonoré par un capitaine armenien, Mehmet Efe déserte de son service militaire et part se réfugier dans son village natal.
Quelque temps plus tard, il fut désigné imam dans un village voisin par Çakırcalı Mehmet Efe, autre figure notable de l’histoire Turque.
À la mort de Çakırcalı, Demerci Mehmet Efe rejoignit plusieurs gangs, notamment celui de Yörük Ali Efe, chef de guerre puis militaire célèbre. Rapidement après avoir intégré le gang Yörük Ali Efe, Demerci se fit vite connaître par les forces de sécurité à qui il donna du fil à retordre pour les actes de banditisme de son groupe dans la région.
Yörük Ali Efe et son karabineer 98AZ reconnaissable par son guidon spécifique. Une culasse de gewehr 98 semble avoir remplacée celle d'origine coudée du karabineer.
La résistance
Le 15 mai 1919, 20 000 soldats grecs débarquent à Izmir et en prennent le contrôle, sous la protection de navires britanniques, français et américains. Suite à cet événement, Demerci Mehmet Efe rejoint les forces de défense régionale Turques avec son gang le 11 juillet pour lutter contre l’envahisseur Grec. Ce qui lui valu de recevoir un télégramme du Mustapha Kemal Pasha :
DE MUSTAFA KEMAL PAŞA À DEMİRCİ MEHMET EFE
"Aydın et le commandant des forces générales turques des forces nationales, Demirci Mehmet Efe à mon frère: Je vous vois en héros. Des enfants véritables et dévoués d'Aydın qui ont réprimé héroïquement et de manière désintéressée les traîtres qui tentaient de capturer notre pays dans les environs de Bolu et Düzce. Ils ont rendu de grands services à notre patrie. Qu'Allah vous bénisse dans les deux mondes. Je leur présente de tout mon cœur les sincères remerciements de la Grande Assemblée nationale ainsi que de leur commandant général, et je vous embrasse. Ankara, 11 juin 1920 Signature: Mustafa Kemal, président de la Grande Assemblée nationale,
Mehmet Efe, était alors le commandant des Forces régionales sur le front d'Aydın. Pendant la bataille d’Aydın, il a joué un rôle majeur dans les raids contre les Grecs et s’est illustré par sa bravoure et son courage. Il s’illustre aussi à Denizli contre ses propres hommes, où il venge la mort de son ami Sökeli Ali Efe, chef d’un gang local, assassiné par quelque 60 dissidents du groupe de Demerci Mehmet Efe.
Sökeli Ali Efe. Assassiné à Denizli le 8 juillet 1920 par un groupe dissident du gang de mehmet Efe. Au premier plan, un fusil Mauser ottoman 1903 personnalisé dans le style de l'époque
L’insurrection
Le 9 décembre 1920, une décision de la grande assemblée nationale Turque ordonne d’intégrer toutes les forces combattantes dans l’armée. La décision stipulait que les forces régionales d’ Aydın devaient être transformées en corps de cavalerie de l’armée régulière. Le grade de commandant de régiment de cavalerie fut même proposé à Mehmet Efe ainsi qu’une solde de 40 lires par mois aux 800 hommes sous son commandement. Mais lui, refusa cette intégration de force dans l’armée. Çerkez Ethem a joué un rôle à cet égard. Ce qui déplut fortement aux militaires Turcs.
Çerkez Ethem (vers 1886, Bandırma - 21 septembre 1948, Amman), soldat ottoman d'origine circassienne. Il est le fondateur et le chef du Kuvâ-yi Seyyâre, qui était commandant des forces nationales pendant la guerre d'indépendance.
Après avoir eu le consentement de Mustapha Kemal Pacha, le colonel Refet Bey fut dépêché pour neutraliser le groupe d’ Efe. Le 11 décembre 1920 au couché du soleil, les cavaliers du colonel Refet Bey sillonnent le sud d'Afyonkarahisar à la recherche du gang d’Efe. Après avoir capturés plusieurs groupes isolés, le colonel Mehmet Şefik Bey alla à la rencontre de Mehmet Efe le 14 décembre afin de le persuader d’intégrer les forces régulières dans le village d’İğdecik.
Suite à son refus, le village d’İğdecik fut pris d’assaut par les cavaliers du colonel Refet Bey. Cependant, Efe a pu prendre la fuite avec quelques uns de ses hommes dans la région d’Isparta.
La suite de l'opération s'est poursuivie en pillant les villages où se trouvaient ces gangs et en saisissant les fugitifs. Contraint de se retirer d’avantage, Mehmet Efe se dirige vers Uluborlu avec 80 hommes.
İbrahim Refet Bele (1881, Thessalonique - 3 octobre 1963, Istanbul), soldat et homme politique turc. Il a été l'un des cinq premiers généraux à avoir participé à la guerre d'indépendance (les autres sont Mustafa Kemal Pacha, Ali Fuat Pacha, Kazim Karabekir Pacha et Rauf Orbay).
Le 18 décembre 1920, 700 hommes de Demirci Efe sont capturés en tout. Ceux dont l'âge était approprié ont été envoyés pour être transférés dans leurs troupes. Les autres ont été libérés.
Le 20 décembre, Efe fut localisé à Tavas. Cependant le colonel Refet Bey reçu l’ordre de repartir rejoindre les forces principales à Afyonkarahisar. Celui-ci sera remplacé par le capitaine de gendarmerie Nuri Bey qui ne tarda pas à avancer vers Tavas avec un détachement de cavalerie.
Surpris, les hommes de Mehmet Efe allèrent se cacher des les montages environnantes suivis par les cavaliers de Nuri Bey.
Le 30 Décembre, Le capitaine Nuri Bey partit directement rencontrer Demerci Mehmet Efe pour parlementer. Suite à cette rencontre, Efe accepta de se rendre et de s’engager dans les forces régulières avec ses hommes.
Il s’installera finalement dans le village de Nazilli-Dualar où il continua la lutte avec 50 hommes sélectionnées par le capitaine de gendarmerie Nuri Bey en qui il a depuis lors confiance.
Demirci Efe, décédé le 5 février 1961, a été enterré au cimetière Nazilli Eğriboyun lors d'une cérémonie militaire.
Photographiée au musée militaire d'Istanbul, la tenue traditionnelle de Demerci Mehmed Efe ainsi que les armes utilisées pendant la guerre d'occupation.
En haut, un Mauser ottoman modèle 1905 (version cavalerie du 1903) avec une personnalisation en argent. Tout comme Yörük Ali Efe et son karabiner 98AZ, la Une culasse droite de 1903 remplace celle d'origine coudée du 1905. Peut être pour faciliter la manipulation de l'arme dans un contexte de guérilla.
En haut, le fameux Mauser ottoman modèle 1903 en calibre 7.65x53mm rendu célèbre par les diverses photos de Demerci Mehmet Efe en tenue traditionnelle Turque.
Un renfort en fil de cuivre a été rajouté au niveau de la poignée afin de solidifier l’ensemble. Personnalisation très courante sur ces Mausers ottomans.
Beaucoup de ces fusils furent éparpillés dans l'empire après la première guerre mondiale. Inutile de préciser que toutes ces armes perdues dans la nature auront très largement été utilisées par les différents gangs opérants un peu partout dans l'empire.